Additifs alimentaires… Mais que font les industriels ?
14/11/2018
Ils sont plus de 300 à être autorisés dans l’Union européenne. Que Choisir publie une base de données de tous ces additifs, avec un classement, des plus acceptables à ceux qu’il faudrait éviter. Les industriels, eux, revendiquent faire des efforts pour éliminer les plus nocifs… quand ils le veulent bien...
Tous les additifs ne sont pas à mettre dans le même panier. Selon notre classement, 87, à éviter ou peu recommandables, devraient soulever la méfiance des consommateurs. Pour ceux-ci, un faisceau d’études pointe des effets indésirables, en particulier chez les populations sensibles comme les enfants, qui parfois dépassent les doses journalières admissibles (1) de consommation. Alors que les alertes se multiplient, les industriels, voulant prouver leur bonne volonté, surfent sur le « clean-labelling », avec des étiquettes de plus en plus sobres. Un défi quand les additifs servent à assurer la stabilité et la sécurité sanitaire des aliments. Une démarche louable, par contre, pour les additifs les plus cosmétiques ou servant à masquer une mauvaise qualité des produits. Certains industriels s’engagent à supprimer les plus controversés de leurs recettes. C’est le cas pour le dioxyde de titane, largement décrié jusqu’au gouvernement qui entend le bannir en France dans les produits alimentaires d’ici la fin de l’année. En juin dernier, le syndicat des confiseurs s’engageait de lui-même à ne plus utiliser cet additif, jusqu’ici couramment employé pour conférer un aspect brillant aux produits. Les distributeurs, eux, investissent ce nouveau créneau de consommation qu’est en train de devenir le « sans additifs ». Intermarché a ainsi lancé sa gamme distributeur l’Essentiel, 34 produits garantis sans additifs à ce jour, tandis que Carrefour ou U ont décidé de bannir les substances les plus controversées de l’intégralité de leurs gammes distributeur. Dommage que dans le même temps, ces mêmes distributeurs continuent à vendre des marques dont les recettes sont loin d’être aussi épurées…
Que Choisir a réalisé des comparaisons de produits de la même famille. Les résultats sont sans appel : certains industriels jouent le jeu et d’autres moins. En confiserie, Haribo se positionne comme meilleur élève que Jelly Belly. Les Dragibus d’Haribo respectent l’engagement des confiseurs d’employer plus de colorants naturels, à une exception près, puisqu’ils contiennent du bleu patenté V, classé orange dans notre barème. Les bonbons de Jelly Belly, eux, comportent plusieurs colorants que nous classons rouge, comme des colorants azoïques, dont certains sont suspectés de favoriser l’hyperactivité chez les enfants. L’emploi de colorants douteux touche aussi le domaine des boissons sans alcool, comme les sirops. Ainsi, si le sirop à la fraise Teisseire ne contient aucun colorant et un seul additif, l’acide citrique, le sirop équivalent chez Monin tient sa couleur du E129 rouge allura AC, classé comme additif « à éviter » par Que Choisir. Pour le sirop menthe verte de la même marque, c’est la tartrazine E102 qui apparaît sur l’étiquette, un colorant lui aussi classé comme additif « à éviter ».
Parmi les soupes instantanées, produits hautement transformés, les additifs foisonnent en véritables cocktails. Alors que les nouilles Mamee contiennent « seulement » 7 additifs dont un seul classé orange et revendiquent l’absence de glutamate, les nouilles Yum-Yum saveur poulet grillé incorporent 14 additifs dans leur recette, dont 2 classés rouge et 5 orange, comme les glutamates ou des additifs pouvant contenir des nanoparticules. Un produit à éviter le plus possible.
Des produits équivalents mais des additifs différents !
Ces quelques exemples illustrent parfaitement le règne actuel des produits alimentaires industriels ultra-transformés. Face au risque sanitaire que cette alimentation fait courir aux consommateurs, l’UFC-Que Choisir demande non seulement une évaluation indépendante de la dangerosité des additifs mais appelle le législateur à interdire les 87 additifs reconnus à risque par nos experts.
Une législation pas toujours respectée !
Pour autant, tous ces additifs restent autorisés et leur exclusion des recettes ne dépend que du bon vouloir des industriels. Les fraudes réelles sont, elles, traquées par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). En 2017, les alertes ont principalement concerné des manquements à l’obligation d’étiquetage. En effet, tous les additifs doivent être signalés sur les étiquettes des produits (sauf rares dérogations, pour des additifs supports d’autres additifs ou dans des boissons alcoolisées comme le vin, par exemple). Les manquements repérés portaient sur des défauts d’étiquetage liés à la présence de nanomatériaux ou encore de nitrates et phosphates dans des mélanges destinés à des fabricants de préparations à base de viande. Tout de même 84 % de non-conformité sur 19 établissements contrôlés. D’autant plus choquant que le défaut d’information ne peut que se répercuter ensuite sur l’étiquette du produit final. Plus grave mais fait rare, la DGCCRF a retrouvé des traces d’un dérivé non autorisé de l’acide carminique E120, l’acide 4 amino-carminique, dans des boissons, sirops et confiseries à destination des enfants. Obtenu par chauffage en présence d’ammoniaque du E120, colorant extrait de la cochenille lui bien autorisé, il permet à la couleur rouge d’être plus stable en milieu acide.
Notes:
(1) La dose journalière admissible (DJA) est dérivée de la dose sans effet (DSE) obtenue par des expérimentations animales ou humaines. On obtient la DJA en divisant la DSE par un facteur 100 (composés non cancérogènes) à 1 000. Elle fournit ainsi une large marge de sécurité et représente une dose pouvant théoriquement être ingérée quotidiennement sans risque pour la santé, avec des dépassements occasionnels sans conséquence.
Noëlle Guillon - Que Choisir