Les lessives liquides ont beau écraser le marché avec 60 % des ventes, quand celles en poudre atteignent à peine les 10 %, cette situation demeure un grand mystère pour Que Choisir. Le succès des liquides est en effet inversement proportionnel à leurs performances de lavage, plutôt médiocres, ainsi qu’à leurs teneurs en substances allergisantes, très significatives. Nos tests d’efficacité et nos analyses sur les allergènes les classent invariablement en bas de tableau, loin derrière les lessives en poudre, et c’est encore le cas avec ce nouveau test.

Le désamour frappant les poudres s’avère, en revanche, incompréhensible au vu de leur efficacité sans pareil et de l’absence appréciable dans leur composition de redoutables conservateurs allergisants. Entre ces deux parts de marché extrêmes, totalement déconnectées des qualités objectives des produits, les capsules s’adjugent 25 % des ventes. Le plus curieux, c’est que ce succès des lessives liquides constitue un particularisme bien français. Car il n’existe rien de tel dans les pays voisins. D’après une étude réalisée par le syndicat professionnel européen des industries de la détergence en 2017, les poudres et les liquides s’y partagent le marché à parts à peu près équivalentes. Cette répartition paraît beaucoup plus raisonnable, tant les liquides peinent en effi¬ca¬cité de lavage. Éliminer les taches n’est pas leur fort. Ce nouveau test qui les compare aux poudres et aux capsules le confirme. Alors que la note moyenne des lessives en poudre atteint 14,2/20 pour l’enlèvement des taches, celle des capsules plafonne à 10,8 et celle des liquides dégringole à… 8,8/20.

Pour comprendre ce drôle de particularisme, nous avons interrogé les multinationales du secteur. Sans grand succès. Ni Henkel, Procter & Gamble ou Unilever n’ont accepté de s’exprimer. Tout juste constate-t-on chez Henkel que la France est beaucoup plus portée sur la lessive liquide que les autres pays européens, sans y trouver la moindre explication ! Les industriels font pourtant le maximum pour entretenir ce succès des liquides. Leurs emballages évoquent souvent des senteurs aux noms évocateurs. Il est vrai que les liquides se prêtent particulièrement bien à ce goût immodéré pour le parfumé. Alors qu’on n’imagine pas ouvrir un baril de lessive en poudre ou une boîte de capsules pour les sentir, nos acheteurs (les produits que nous testons sont achetés dans les magasins par une équipe dédiée, ndlr) observent souvent, dans les rayons des hypermarchés, des clientes débouchant des flacons de lessives liquides pour en humer l’odeur, histoire de choisir le parfum !

ABUS DE SUBSTANCES ALLERGISANTES

Pourtant, en matière de lessive, qui dit parfum dit aussi, sauf exception, risque d’allergies. Sans surprise, les liquides qui surfent sur les senteurs sont également les championnes en matière de substances allergisantes. Si Le Chat Sensitive 0 %, Ecoplanet Carrefour et Epsil hypoallergénique ne contiennent pas de parfums allergisants, d’autres les cumulent. Omo perles de parfum lilas blanc bat même des records avec cinq parfums allergisants, dont le lilial à de fortes teneurs. Or, cette fragrance pose question. Outre son classement comme aller¬gène, elle serait toxique pour la reproduction, selon le Comité européen pour la sécurité des consommateurs en charge de son évaluation. Et rappelons-le, opter pour une formulation qui contient des parfums allergisants est inutile. Ils n’ont aucun impact sur les performances du produit.

Les liquides sont, en prime, plombées par d’autres allergènes que les parfums. Contrairement aux lessives en poudre, qui ne contiennent pas d’eau, et aux capsules, ultra-concentrées, elles ont besoin de conservateurs pour stabiliser leur formulation aqueuse et éviter un développement microbien. Pourtant, ceux qu’elles emploient souvent posent problème. Il s’agit surtout de la MIT, pour méthylisothiazolinone, devenue l’ennemi public numéro un des dermatologues et des allergologues tant elle cause d’al¬lergies cutanées. La BIT, pour benzisothiazolinone, est également utilisée, seule ou en mélange avec la MIT. Moins prisée des industriels, elle est cependant interdite dans les cosmétiques et fortement limitée dans les jouets destinés aux jeunes enfants. La plupart des lessives liquides contiennent au moins un de ces conservateurs allergisants.

Pas de quoi justifier leur succès donc, même s’il faut leur reconnaître une indéniable qualité. Elles respectent les couleurs vives et foncées, contrairement à la majorité des poudres, qui les ternissent au fil des lavages. Conclusion : il faut deux lessives. La liquide est à réserver au linge de couleur non taché, celle en poudre se révèle idéale pour le blanc, les teintes claires, ainsi que pour les textiles de couleurs vives et foncées quand ils sont sales. À supposer qu’on soit vraiment limité en place et à condition qu’on n’ait pas de jeunes enfants à la maison, les capsules les mieux classées peuvent constituer un compromis acceptable, si toutefois on ne craint pas les allergènes. Elles lavent mieux que les liquides et maintiennent mieux l’éclat du blanc, tout en respectant plus les couleurs que la plupart des poudres.

TROIS MULTINATIONALES SE PARTAGENT LE MARCHÉ

Le marché français de la lessive se répartit principalement entre trois multinationales : Procter & Gamble, Henkel et Unilever. Elles détiennent à elles trois pas moins de 87 % du marché ! Les marques de la grande distribution et les lessives écologiques se partagent les 13 % restants, avec une progression régulière des marques dites vertes.

Parts de marché des lessiviers (2018)

QUI FABRIQUE LES LESSIVES DES HARD DISCOUNTERS ?

La lessive en poudre Tandil fraîcheur d’Aldi, qui obtient la qualification « La mieux notée » pour l’efficacité et un de nos « bons choix » capsules, et la Formil duo power actif de Lidl sortent toutes les deux des usines de Mc Bride. Il s’agit d’un gros fabricant de produits d’entretien et d’hygiène pour les marques de distributeurs.

→ Test Que Choisir : Comparatif Lessives

Élisabeth Chesnais   /  Mélanie Marchai    Que Choisir