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Frais de recouvrement… Qui doit payer ?

12/11/2017

Les frais de recouvrement amiable sont-ils à la charge du consommateur ? L’UFC Que Choisir intervient volontairement dans une instance ! Sitôt que la facture est valablement émise à l’égard du consommateur, un professionnel peut confier ses intérêts à une société spécialisée dans le recouvrement « amiable » des créances impayées...

Hier comme aujourd’hui, « c’est un fait bien connu que les entreprises de recouvrement n’ont pas bonne presse » (GUERCHOUN, V° Recouvrement des créances pour le compte d’autrui par des agents spécialisés, in : Rép. civ. 2016, n° 1). Pendant longtemps, l’activité des agents spécialisés dans le recouvrement amiable des créances impayées n’était régie que par les règles relatives au contrat de mandat ainsi qu’à la responsabilité civile. Il faudra attendre la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution pour qu’une texte vienne, très laconiquement, disposer que « l’activité des personnes physiques ou morales non soumises à un statut professionnel qui, d’une manière habituelle ou occasionnelle, même à titre accessoire, procèdent au recouvrement amiable des créances pour le compte d’autrui, fait l’objet d’une réglementation fixée par décret en Conseil d’État » (art. 32 al. 5). En vérité, il faudra patienter plus de cinq ans pour que ce décret en Conseil d’État paraisse au Journal Officiel de la République Française (décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996 portant réglementation de l’activité des personnes au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui. Quant à ce texte, V° notam. CROZE, MOUSSA, « Aperçu rapide sur les décrets nos 96-1112 et 96-1130 du 18 décembre 1996 relatif aux procédures civiles d'exécution », JCP G, n° 5, 29 janv. 1997, act.).

Si un ancien ministre de l’Économie et des Finances a pu dire que les pratiques de ces sociétés font l’objet de contrôles réguliers de la part de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Rép. min. à QE, n° 6998, JOAN Q, 15 janv. 2013, p. 506), il n’en demeure pas moins que, malgré sa réglementation, l’activité des sociétés de recouvrement suscite encore et toujours l’interrogation des consommateurs, de certains universitaires (V° notam. BILLY, « Le point sur les impayés … Prix de la morale : 9,80 euros », Gaz. Pal. 2011, n° 214, p. 6. - LASSERRE-CAPDEVILLE, « Comment lutter contre les abus des sociétés de recouvrement ? », RLDA 2013, n° 87, p. 71) et même de certains parlementaires (V° notam. DASSAULT, « En finir avec les abus des sociétés de recouvrement », Les Échos, 29 mai 2012, p. 17). C’est ici l’occasion d’évoquer l’une de ces interrogations : les frais de recouvrement amiable sont-ils à la charge du consommateur ?

En se fondant sur les articles L. 111-8, R. 124-4 et R. 124-6 du code des procédures civiles d’exécution, certaines sociétés de recouvrement prétendent facturer au débiteur l’envoi de lettres de mises en demeure ainsi que l’émissions de quittances. Par le jeu de cette facturation, elles prétendent majorer, parfois substantiellement, le montant dû par le débiteur. Tel était le cas dans l’affaire ci-après relatée et à l’occasion de laquelle l’UFC Que Choisir était intervenue. 

En l’espèce, la société Numéricable avait chargé la société SFRB de recouvrer la créance qu’elle détenait sur une consommatrice. La société de recouvrement avait alors adressé une lettre enjoignant à la consommatrice de payer, outre le montant en principal de la créance, une somme de 9,80 euros correspondant aux frais d’établissement et d’envoi de cette lettre. Informée de ce que cette consommatrice avait saisi la juridiction de proximité, l’UFC Que Choisir était intervenue volontairement à l’instance.

Par une décision datée du 15 juin 2009, ladite juridiction a relevé que la lettre litigieuse constituait un acte dont l’accomplissement était prescrit à la société de recouvrement par l’article 4 du décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996. Or, il résulte de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution que les frais de recouvrement amiable restent à la charge du créancier ... « sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier ». Tous deux déboutés, l’UFC Que Choisir et la consommatrice ont alors porté l’affaire devant la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Car, en Droit, les principes sont d’interprétation large et les exceptions … d’interprétation stricte ! Or une interprétation stricte de l’exception disposée à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution contredit doublement la décision rendue en premier et dernier ressort. En effet, d’abord, l’accomplissement de l’acte litigieux n’était pas prescrit par une loi mais, très exactement, par un décret en Conseil d’État. Ensuite, l’accomplissement de l’acte litigieux n’était pas prescrit au créancier mais, très exactement, à ce tiers au contrat qu’est la société de recouvrement. Sauf à refuser d’interpréter strictement l’exception disposée à l’article précité, il semble que l’acte litigieux devait rester à la charge du créancier.

Par un arrêt daté du 20 mai 2010 (n° 09-67.591, Bull. civ. II, n° 99. - D. 2010, act. p. 1425. - D. 2011, p. 1509, obs. LEBORGNE. - CCC 2010, n° 264, note RAYMOND), la deuxième formation civile de la Cour de cassation confirme cette analyse. En désapprouvant sèchement la décision rendue par la juridiction de proximité, elle énonce avec force que « les frais réclamés par la société de recouvrement au débiteur ne correspondaient pas à l’accomplissement d’un acte prescrit par la loi au créancier ». En conséquence, les frais nés à l’occasion de cet accomplissement devaient rester à la charge du créancier.

Si cet arrêt doit être approuvé sans aucune réserve, il doit surtout être invoqué par tous les consommateurs qui, à l’instar de cette cliente de Numéricable, se voient opposer la facturation, par un tiers au contrat, de frais nés à l’occasion de l’accomplissement d’un acte que la loi ne prescrit pas au créancier.

Pour l’UFC Que Choisir

Antoine DELATTRE
Juriste bénévole
Membre du Centre de Recherche Droits et Perspectives du Droit
Chargé d’enseignement à l’Université de Lille 2
Chargé de cours magistral à l’Institut d’Administration des Entreprises de Valenciennes

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