Le secret professionnel du banquier : quelques heureuses limites !
23/08/2017
Le secret professionnel du banquier a été introduit dans notre Droit par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984. Après plusieurs réformes, notamment par l'ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014, ce secret professionnel trouve aujourd’hui son fondement légal dans les articles L. 511-33 et suivants du code monétaire et financier. Si l’obligation au secret professionnel ne cesse pas avec la résiliation du contrat liant une banque à son client (Cass. com. 25 févr. 2003, n° 00-21.184, Bull. civ. IV, n° 26), il serait erroné de croire que toute banque serait tenue, de manière générale et absolue, par une obligation au silence...
Dans son principe, ce secret professionnel oblige la banque, mais également les salariés de la banque (cons. prud'h. Nanterre, 15 sept. 2005, RD banc. fin. 2006, n° 82, obs. Caprioli), à taire les informations confidentielles détenues au sujet de ses clients. C’est dire que ce secret ne s’étend pas à toutes les informations qu’une banque serait susceptible de connaître au titre ou à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle. Il couvre, uniquement, celles qui portent sur des renseignements confidentiels et non sur ceux à caractère purement factuel tel que, par exemple, l’état civil d’un client (cour d’appel de Paris, 6 févr. 1998. RD bancaire et bourse 1998. 175, obs. Crédot et Gérard). En l’absence de définition légale du caractère confidentiel de l’information, il revient à la jurisprudence d’en déterminer la substance.
De jurisprudence constante, la divulgation de l’état de fortune d’un client méconnaît ce secret professionnel (cour d’appel de Poitiers, 2 nov. 2005. BICC 2006, n° 1334). Il en va de même la divulgation de la situation médicale d’un client emprunteur (cour d’appel de Versailles, 23 mars 1994. D. 1994. somm. 328, obs. Vasseur) ou des informations figurant au verso d’un chèque (Cass. com. 8 juill. 2003, n° 00-11.993, Bull. civ. IV, n° 119).
En revanche, il est bien des cas où ce secret professionnel cède en considération d’un intérêt supérieur.
Ainsi, dans le cadre d’une enquête préliminaire, les officiers de police judiciaire ne peuvent se voir opposer le secret bancaire (Cass. crim. 27 avr. 1994, n° 93-82.976, Bull. crim. n° 152, D. 1994, 402, note Gavalda). D’ailleurs, dans cette hypothèse, la banque qui révèlerait à son client des informations couvertes par le secret de l’instruction violerait … son obligation au secret professionnel (Cass. com. 10 déc. 2003, n° 00-12.903, Bull. civ. IV, n° 201, RTD com. 2004, 351, obs. Legeais) ! De même, ce secret professionnel n'est pas opposable aux agents des douanes exerçant le droit de communication (Cass. crim. 3 mai 2001, n° 00-81.691 94-82.951, Bull. crim. n° 107, RTD com. 2001. 992, obs. Bouloc) mais, également, aux agents du Trésor Public exerçant ce même droit au moyen des articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales.
Il est même des cas où la banque est tenue de prendre l’initiative de briser le silence. Ainsi, depuis l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016, les banques doivent déclarer les opérations dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont liées au financement du terrorisme ou qu’elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an.
En définitive, le secret professionnel auquel est tenu le banquier n’est ni général, ni absolu. Il dessine une balance entre, d’une part, la nécessaire protection de l’information confidentielle et, d’autre part, l’indispensable préservation de l’ordre public. Ainsi ce secret ne peut-il pas faire écran de tout… et c’est heureux !
Antoine DELATTRE
Juriste Bénévole à l’UFC Que Choisir de Lille
Chargé d’enseignement en Droit de la consommation à l’Université de Lille II